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Jour 17

Journal de bord de la traversée du Pacifique
Jour 17
Screaming Head, Julio González, 1940 ©2018 Artists Rights Society (ARS), New York / ADAGP, Paris

Tangon* du génois* et cookie du matin. Prise de tête entre So et Gui, toujours sur le cap à prendre et les voiles à sortir. So veut sortir le ballooner*, Gui pense que le vent n’est pas assez arrière pour ça. Moi, je regarde l’océan.

A midi, je cuisine des légumes sautes aux crevettes. Trop de sauce soja et la tambouille a le goût d’un gros bloc de sel qu’on lèche en silence, jusqu’à ce que Gui dise “c’est vachement salé, non ?”. So enquille et confirme. Petit raté donc, qui a quand même fait naître des rires complaisants.

Pensées du jour : parfois, il m’apparaît que nos échanges sont incomplets, que nos discussions aboutissent à des malentendus. Je voulais dire quelque chose, j’ai été coupé avant, l’autre a enchaîné en se basant sur ce qu’il avait compris de l’énoncé partiel qu’il vient d'entendre, puis je le coupe à mon tour pour terminer ce que j’avais commencé à dire. Au final, on se parle à soi-même, personne ne comprend l’autre mais chacun maintient sa position. Comme si nos idées n’étaient pas autre chose que des vêtements qu’on portent, gros vêtements mouillés qui nous alourdissent (et que le nageur, peint par Lamartine, a si bien fait d'abandonner). Comme si ces idées étaient des pierres pour l’édifice de nos âmes. Mais nos âmes sont cachées sous des couches artificielles, alors comment espère t-on la connaître, cette âme unique, avec tant de couches qui la recouvre ?

Tangon : petit bras permettant la plus grande ouverture des voiles d'avant.

Spinnaker (voile similaire au ballooner) tangonné. Source Wikipédia.

Génois : voile placée à l'avant du mat et qui propulse le navire (la grand voile, elle, est une voile de stabilisation plus que de poussée).
Ballooner : voile d'avant qu'on installe au portant (allure où le vent souffle droit par derrière) pour permettre une meilleure propulsion du bateau. Néanmoins, la légèreté de la voile est à la fois son atout et son défaut principal : si le vent monte au dessus de 18 nœuds, il faut ranger la voile pour éviter qu'elle ne se déchire. Pour s'en faire une idée, cliquez ici.