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Jour 21

Journal de bord de la traversée du Pacifique
Jour 21
Maxwell Street, Leonard Farb, 1940, ©Leonard Farb

Hier soir, on a regardé Timecop, l’histoire d’un flic (JCVD) et de voyages dans le temps. Les méchants y étaient très méchants, avec des blousons en cuir noir très foncés, des bonnets noirs qui couvraient leurs coupes de punks ou leurs cranes chauves, et des lunettes de soleil qu’ils portaient de jour comme de nuit, dedans comme dehors. JCVD jouait la tristesse comme il jouait la joie et faisait des grands écarts dans sa cuisine, dans des bureaux, dans le passé et dans le futur. On a bien rit et notre cassoulet en boite nous a bien réchauffé le cœur.

Source : IMDB

Aujourd’hui, So décide d’affaler* le ballooner. Harnais accrochés à la ligne de vie*, on se rend en tête de pont avec Gui. Je m’assieds sur l’étrave et, tout en évitant de me faire gifler par un retour de génois qui faseille* à ma droite, je m’active pour récupérer la plus grande surface de ballooner possible des que la sonnette fait tomber la voile.

Une fois que la voile est descendue et rangée, on retire les tanguons et on fait passer le génois sur tribord* pour filer au sud-ouest avec le vent de travers. Après la manœuvre, je vais me reposer et je pense aux plaisirs simples qui me manquent : aller voir la lune sur la plage, manger une mangue sans couteau, cuisiner avec quelqu’un que j’aime.

Quand la nuit arrive, le vent monte, nous invitant tous, et surtout les premiers de quart, à redoubler de vigilance. Passé une certaine limite, il faut changer le réglage des voiles pour éviter d’endommager le gréement*.

Même si ça a l'air un peu fun, s'agirait de pas finir comme ça...

Pendant que le vent se paye une bonne tranche à mes dépens, la lune émerge derrière moi. Posée sur un nuage, elle est semblable a une médaillon d’or. Elle est poussée, vers le ciel encore roux, par un nuage, sans doute charmé par sa couleur. Mais les rayons qu’elle émet transpercent ces nuages qui la voudraient saisir. Ils finissent par se fondre dans ses lumières et deviennent ses ailes. Le vent qui souffle sonne comme une meute de loups en chasse.

Repu du jour qui s’achève, je constate que j'aime éperdument la vie. J'aime la vie et ses rondeurs, et ses surprises. J’aime ce qui fait le sourire des gens et ce qui les fait douter.

Citation du jour (d'Albert Camus) :

“ L'artiste a un amour en soi, qui le rend inerte s'il décroît.”

Affaler : faire descendre une voile
Ligne de vie : longue et fine sangle disposée sur l'entièreté du pont et qui permet d’assurer la sécurité de quiconque s’y harnache.
Faiseiller : quand une voile se gonfle peu ou mal à cause de sa mauvaise orientation vis-à-vis du vent.
Tribord : à droite, pour les moldus. Une manière mnémotechnique de retenir est le mot "batterie" qui, quand prononcé (phonétiquement "batri"), révèle le "ba" du bâbord à gauche, et le "tri" du tribord à droite.
Gréement : ensemble de ce qui sert à faire avancer un bateau (voiles, mats, etc...)