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Jour 22

Journal de bord de la traversée du Pacifique
Jour 22
The Wedding, Jacob Lawrence, 1948, © 2018 The Jacob and Gwendolyn Lawrence Foundation, Seattle / Artists Rights Society (ARS), New York

Tranquille, toujours, tant mieux. Belles rides sur la mer ébène. J’ai rêvé d’une femme cette nuit. Elle était belle, elle était mat de peau. Ses yeux avaient la couleur de la robe d’une lionne. Nous nous promenions en souriant le long d’un chemin sans terre. Nous étions heureux, tellement heureux que nous décidâmes de nous marier aussitôt. Près de ce qui ressemblait à une aire de repos, une immense chenille véhiculée, sorte d’imbrication de plusieurs bus, apparue sur le parking. Ce train de bus était tellement long que sa queue n’était pas visible. C’était sa famille qui descendait du bus. À la fin de la cérémonie (je suppose qu’il y en eut une, bien que je n’en ai aucun souvenir), ma femme et moi embarquâmes dans une Peugeot 106, que plusieurs membres de la famille avaient déjà investi. La voiture démarra et nous nous allongeâmes tous les sept, entassés sur la banquette arrière, et cette promiscuité n’empêchait nullement notre intimité (serait-ce Anarres qui me rentre dans les veines ?)

Pensée du jour : l’amour est une huile, essentielle pour les rouages d’une vie saine. On avance, on souffre, on bataille, on souffre, on s’occupe, on oublie, on espère, on oublie, on souffre. Mais si on oublie trop souvent que ce qui compte, c’est l’amour, que ce qu’il faut retenir, ce qu’il faut alimenter, ce vers quoi il faut tendre sans cesse, ce qui doit nous maintenir, c’est l’amour, alors on rancit, on s’étiole, on se fend puis on se brise complètement, et le vent du souvenir amer disperse notre âme loin, très loin, dans un pays neutre où il n’y a ni souffrance, ni amour ; juste l’habitude de vivre. Cette valse sans fin, qu’est-elle sinon le cœur et toutes ses nuances ?