Jour 3

Le mal de mer. J'aurais voulu que ça soit autrement, j'aurais voulu pouvoir apprécier pleinement la traversée sans que "ça", pesant et poisseux, revienne sans cesse. Mais c'est comme ça, “That’s life” comme chantait Sinatra. Je ne peux pas faire autrement : c’est soit faire avec soit s’effondrer.
Dans le carré, on discute avec Guillaume et Solène alors que les enfants dorment encore. Puis on entend un grondement comme venu des profondeurs de la Terre. Un coup d’œil à la carte et une théorie collective prend forme : cette zone, où l'on passe de -4000 mètres à -128 mètres est sûrement une zone d'activité sismique, volcanique ou tout autre type d'activité dont ce genre de gargouillis hyper sonores pourraient être un signe.
J'ai dormi presque toute la journée. Heureusement, vers 16h, j'ai réussi à me lever, aidé par les M&M's glissés à ma droite pendant mon sommeil. Quand j'ai fini de les manger, Lucie me propose de jouer au “Qui est ce ?”. Balthazar joue avec moi et annonce, dès le début, qu'il veut être le crabe, malgré le fait qu'on lui fasse remarquer qu’annoncer son animal dans un jeu où il faut le deviner n'est sans doute pas la meilleure des stratégies.

Quand on finit nos parties, je me lève pour aller chercher le jeu de dominos Némo que j'ai trouvé pour les enfants à Panama City. Lulu comprend très vite le principe, Balthi, lui, retourne ses dominos face visible. On fait 3 parties puis, dans le soleil couchant du Pacifique, au dessus de 5000 mètres de plaques, de roches et de poissons, les rituels s'imposent quand même, et les enfants vont prendre leurs douches.
Guillaume a fait des croquettes de poisson avec du riz et des légumes. Ça fait du bien de manger, et avec eux, ces enfants et ces parents qui, courageusement, traversent le Pacifique, je me sens comme en famille.
Dans ma tête plus tranquille qui peu à peu écrème les pensées, je vois les gens que j'aime qui défilent. Je les imagine près de moi, à danser, à sourire. Je les imagine heureux, et moi avec eux. J'imagine ma sœur et son sourire, qui révèle les mêmes canines que moi. J'imagine le rire de ma mère, qui tonne d’un coup sec comme une darbouka. J’imagine des grandes tablées, des grands repas, et des cœurs chauds comme les plats qu’on servirait.
Dans le carré*, Guillaume regarde les cartes de navigation, Solène se douche à l’arrière, et moi j'écoute un piano qui coule en fond.
Carré : salle d’intérieure du bateau qui sert de salon.
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